MARTIN CHAUMONT
Le paysage a toujours été présent dans mes tableaux. Il a d'abord été le décor de ma fascination pour l'architecture. Puis, j'ai observé peu à peu les bâtiments disparaître de mes toiles : le dépouillement qui s'opérait a tout à coup créé un espace disponible, où l’environnement s'est infiltré.
L'arrière plan endormi des débuts s'est mué en matière vivante : ma peinture a suivi ce mouvement et l'a fixé. On dirait, dans un langage commun, que la nature a « repris ses droits », dans les tableaux, sans que je cherche à savoir pourquoi. J'ai creusé cette affinité, sans vouloir la contrôler.
À chaque fois, elle a questionné ma relation technique et sensible à la peinture. J'ai laissé son pouvoir opérer, et observé comment elle donnait au médium pictural l'opportunité d'exprimer sa puissance singulière. Ce dialogue s'est intensifié,toujours plus dense et toujours plus mystérieux : il s'est mis à parler d'une tension systématique, entre la nature représentée vierge de toute intervention humaine et l'intervention du peintre qui cherche à se signifier. La peinture coule, l'agrafe se voit à la tranche, le doigt s'imprime, les couleurs ont muté.
Certainement, le rapport tourmenté dans lequel sont pris les humains vis-à-vis d’un climat, dans le contexte spécifique de mise en danger de nos écosystèmes, n'est pas étranger à ce mystère, cette tension qui traversent mes tableaux. Sans chercher à leur résister, je m'installe dans les paradoxes d’une atmosphère ambiante et actuelle : majestueuse et fragilisée, tumultueuse et silencieuse, vivante et morte, résistante et colonisée, mobile et statique.
Qu'est-ce qu'être un peintre dans le monde ? me demandent inlassablement mes tableaux.
En regardant cet environnement de plus en plus près, en désirant le peindre dans ses détails, ses « presque rien », je suis allé à la rencontre de mes obsessions picturales : sobriété, radicalité et frôlant parfois l’abstraction.
Dans mes recherches sur les différentes modalités de perception de ce qui m’entoure, j'ai déjà à l'esprit la relation des spectateur•ices avec les sujets. Je peins, toujours, avec le désir qu'iels s'approprient les énigmes qui peuvent s’en dégager.
Avec la précieuse aide de Flore Mercier.